A quel horizon travaillez-vous ? Si on considère que l’horizon 0 est le moment présent, là tout de suite, on peut appeler horizon 1 l’ensemble des choses à faire pour atteindre ses objectifs immédiats. L’horizon 2 est constitué des projets à réussir. L’horizon 3 des responsabilités que l’on s’octroie (pas celles qui nous sont données). L’horizon 4 est celui des buts à long-terme, de la vision.
Le drame du management financier est qu’il est structurellement à horizon 1. Si votre ambition est d’améliorer la valeur de l’action ou des ratios comptables, les actions à faire sont claires à tout moment – et changent du tout au tout l’instant suivant. À chaque instant, on peut faire une liste de courses d’actions à faire pour améliorer le chiffre que l’on a sous les yeux – et qui sera différent demain : réduire les coûts, investir plus, augmenter les effets de leviers, etc.
La puissance du lean vient de l’alignement entre la réalisation des personnes dans leur travail, la réussite de l’entreprise et les bénéfices que cela apporte à la société. Penser lean ne fait sens que si l’on envisage fermement les horizons 3, la responsabilité de la performance sur le long-terme, et 4, la vision d’une société moins dispendieuse, moins brutale, moins gaspillante.
Sans les yeux rivés sur l’horizon de la responsabilité, le lean peut facilement être assimilé à une méthode de cost-cutting de plus pour faire des économies court terme au détriment du développement des personnes et de la société. C’est ce que font de nombreux programmes qui partent de ratios à améliorer, font une analyse de surface des activités avec ou sans « valeur ajoutée » et proposent des soi-disant chantiers d’amélioration sans s’intéresser aux mécanismes fondamentaux de l’activité et aux priorités réelles pour construire, et pas simplement mieux exploiter, un business. Le vocabulaire est le même, mais le sens en est très différent. Pour reprendre l’expression imagée d’un sensei, si on ne met pas l’esprit de bouddha dans la statue, ça ne reste qu’une pierre.
Il en va de même pour le green. On a pu voir les effets spectaculaires sur la nature de l’arrêt total des déplacements pendant le confinement – être plus soigneux de l’environnement est possible. Le tout est d’apprendre à le faire sans altérer aussi drastiquement nos modes de vie. En revanche, maintenant que l’on commence à prendre la mesure des conséquences que va avoir ce coup de frein brutal sur nos économies, les soucis environnementaux sont déjà vus par certains comme un luxe – on s’y remettra quand on aura récupéré de la récession qui se dessine.
Le green avance lentement, tout comme le lean, car il passe toujours après un souci ou un autre d’horizon 1. Le green n’a de sens qu’à l’horizon 3 : une prise de responsabilité de chacun pour trouver des moyens plus green de faire les choses. Dans leur ouvrage fondamental Natural Capitalism, Hawken, Lovins et Lovins mettent en avant la méthode Ohno qui consiste à apprendre à voir les muda et à les éliminer comme la clé de la construction d’un système industriel plus green – il est possible d’alléger notre poids sur la planète tout en conservant notre mode de vie si nous en prenons la responsabilité.
Michael Ballé
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