Quand on est persuadé des vertus du Lean, de sa capacité à créer plus de valeur pour le client et la société tout en permettant aux collaborateurs de s’épanouir dans leur travail et développer leurs talents, on rêve de la transformation qu’il pourrait provoquer dans notre pays si les dirigeants des grandes entreprises, des administrations locales et nationales décidaient de s’engager dans cette voie.
Lorsqu’elles annoncent leur plan d’amélioration de leur performance, ces organisations nous ont plutôt habitués à un discours essentiellement comptable dans lequel la principale variable d’ajustement semble être le nombre de personnes (« ce plan d’amélioration nous permettra d’économiser xxx postes »).
On a pourtant peine à voir comment ajouter ou retrancher des ressources peut constituer l’alpha et l’oméga d’un plan d’amélioration convaincant. En effet, dans ce cadre de réflexion, comment est envisagé l’impact sur la compétitivité de l’organisation (que ce soit l’entreprise, la collectivité, le pays) ? Quand parle-t-on du client ou de l’usager, de la valeur que celui-ci attend des services rendus, de sa satisfaction quant à la qualité et les délais proposés ? Quelle réflexion est portée sur le collaborateur, l’amélioration de ses compétences et méthodes de travail, son engagement et la coopération avec ses collègues pour une meilleure performance collective ?
Bien au contraire, en général, cette façon de penser la performance, conduite de manière plus ou moins brutale par des managers (ou des intervenants extérieurs) éloignés du terrain, ne fait que dégrader les services et amener les personnels au bord de la rupture.
Comment pourrait-on éviter cet écueil et engager la réflexion de manière différente ?
Une proposition de réponse – rafraîchissante – nous est – proposée curieusement par le récent programme de coalition1 signé en Allemagne par les trois partis succédant au pouvoir à Angela Merkel : le SPD, les Grünen et le FDP. Voici quelques extraits de ce projet :
Pour les défis qui nous attendent, il faut accélérer le développement des infrastructures. Les procédures, les décisions et les mises en œuvre doivent être beaucoup plus rapides. [ ] Notre objectif est de réduire la durée des procédures au moins de moitié. [ ] L’administration doit devenir plus agile et numérique, elle doit miser sur des solutions interdisciplinaires et créatives aux problèmes. [ ] En associant plus tôt les citoyens, nous rendons la planification plus rapide et plus efficace.
Nous retrouvons là trois thèmes qui nous sont familiers dans le Lean.
Partir du client, et mobiliser autour d’un défi ambitieux de réduction des délais
Le projet évoque une réduction de 50% des délais de réponse de l’administration. Un défi qui part de la satisfaction des clients, et qui donne une vision, du sens en visant à améliorer la compétitivité du pays. Autrement plus motivant pour les équipes que la promesse d’une réduction d’effectifs, vous en conviendrez !
S’efforcer de réduire le délai de réponse est l’un des deux exercices classiques du Lean. C’est le pilier du Juste-à-Temps, qui n’a de sens que si l’on travaille en même temps sur le second pilier, celui du Jidoka, qui consiste à s’arrêter dès qu’un risque de non-qualité est identifié afin d’apprendre de la situation. Raccourcir le temps ne veut pas dire demander à chaque personne de travailler plus vite. Cela veut dire traquer les attentes entre les acteurs, les frictions que rencontrent les personnes, les problèmes de synchronisation et de collaboration entre les équipes, et les temps non productifs. Raccourcir le temps, c’est accepter de s’enlever une partie de cette marge qui nous masque nos difficultés et nous laisse croire qu’on peut les compenser indéfiniment par plus d’efforts. C’est rendre visibles les problèmes et les sources de variabilité, c’est donner matière à réflexion pour l’amélioration, c’est se forcer à augmenter son niveau d’exigence par rapport à nos pratiques actuelles.
Faire appel aux acteurs pour trouver les solutions
Le second élément clef dans leur approche, c’est d’impliquer les personnels de terrain, afin qu’ils puissent imaginer des solutions interdisciplinaires et créatives aux problèmes, et ainsi développer leurs compétences et leur satisfaction au travail. On passe du mode managérial ‘Command & Control’ à ‘Orient & Support’, ce qui conduit à améliorer les relations entre les personnes et avec la chaîne de management.
Rechercher la collaboration avec le client
Et enfin, il s’agit d’apprendre à voir le client (en l’occurrence le citoyen) comme un partenaire que l’on aide et avec qui l’on collabore, et pas comme un intervenant anonyme avec qui on entretient une relation transactionnelle.
Et votre propre programme ?
Analyser un programme électoral, voilà qui semble bien loin de nos préoccupations et nos pratiques en entreprise. Pourtant en tant que leaders nous faisons tous plus ou moins la même chose, sous la forme des plans ou des initiatives que nous soutenons.
Avec l’année qui commence et ses traditionnelles bonnes résolutions, c’est peut-être le bon moment de vous poser vous-même la question : que donne votre propre programme au prisme des principes du Lean ?
Bonne année à tous !
Christophe RICHARD
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