Dans cette analyse détaillée et perspicace, les auteurs Michael Ballé et Klaus Beulker, explorent l’essence de la bureaucratie et expliquent pourquoi, combinée à la réflexion Lean, elle peut être utilisée comme une force bienfaitrice.
Comment le poisson peut-il avoir conscience de l’eau dans l’aquarium ? Comment pouvons-nous être conscients de la bureaucratie qui nous entoure alors qu’elle envahit tout, alors que les autres formes d’organisations ont disparu ou sont en train de s’effacer ? Il est aisé de sentir que tout va de mal en pis dans le monde actuel, et que rien ne fonctionne plus comme cela le devrait. Il est plus difficile de voir notre propre part dans cela, de comprendre que nous sommes ceux qui tiennent et promeuvent les mêmes valeurs et réflexes bureaucratiques qui rendent tout inique, morne et insipide.
Qu’est-ce qu’une bureaucratie ?
Qu’est-ce qu’une bureaucratie ? De nos jours, nous avons tendance à utiliser ce mot pour faire référence à la lourdeur administrative, la complexité excessive et les procédures fastidieuses et centralisées qui rendent difficiles les choses simples de la vie. Mais, en réalité, la bureaucratie est un système pour organiser les personnes. Cela peut être une bonne comme une mauvaise chose, en fonction de la façon dont elle est comprise et interprétée. Notre bureaucratie moderne a vu le jour en Prusse durant le 18e siècle, essentiellement pour organiser l’armée plus efficacement en professionnalisant les officiers et en les protégeant de l’arbitraire des aristocrates. L’idée étant de confiner les individus dans un rôle, dirigé par … des règles et des processus. Les personnes étaient ainsi promues au sein de la ligne hiérarchique selon la façon dont elles adhéraient aux principes bureaucratiques.
L’adaptabilité de la bureaucratie tient au fait qu’elle est indépendante du contexte : elle a toujours le réflexe de résoudre un problème spécifique grâce à une règle générale qui peut être appliquée indépendamment de la situation locale. C’est ainsi que l’on se retrouve avec des règles venant de l’Union Européenne sur la courbure des bananes. Ce qui donne sa puissance à la bureaucratie est aussi ce qui la rend incroyablement stupide – et souvent absurde – parce que pour nous en tant qu’individus, dans nos contextes spécifiques, les règles ne sont généralement pas logiques. La pensée bureaucratique cherche à rendre explicite chaque situation tacite (tacite dans le sens que nous savons davantage que ce que nous sommes capables d’exprimer) et puis d’établir une règle, une procédure, un standard, qui retire du processus tout jugement humain arbitraire. La digitalisation a rapidement élargi la domination de la bureaucratie, en retirant les humains des processus humains et en les remplaçant par des systèmes codés et inflexibles.
Les bureaucraties sont essentiellement des machines à instructions et à conformité, qui renforcent une chaîne de commandement avec des règles, des règlements, des processus, et désormais des systèmes (des processus digitalisés). Le concept tire son pouvoir du fait qu’il donne aux personnes très peu de marge de manœuvre pour utiliser à volonté les ressources pour leur bénéfice personnel, cela serait contraire aux règles. En cela, les bureaucraties diffèrent des autres modes d’organisations humaines, comme les communautés traditionnelles – où les droits et devoirs sont distribués en fonction des arrangements informels et traditionnels et des offrandes aux chefs en échange de privilèges et de faveurs – ou des organisations en réseau qui s’appuient sur des accords, des échanges, des transactions, etc. négociés entre une personne et une autre personne ou une communauté de personnes, sans autorité centrale chargée de les mettre en œuvre. Les bureaucraties sont très puissantes car elles limitent et contraignent le pouvoir et les initiatives individuels. Au bout du compte, le pouvoir dans une bureaucratie s’accumule vers le haut, précisément parce qu’il est entretenu par des règles et pas par des accords librement consentis – et malheureusement, le risque est d’aboutir à une oligarchie.
Le prix à payer pour l’efficience globale des bureaucraties est l’efficacité. Elles rendent tout explicite en éludant le contexte. Toute réponse issue d’une bureaucratie est efficiente globalement, mais peu adaptée aux situations spécifiques.
A l’évidence, les dirigeants de bureaucraties ont bien conscience de leur inefficacité fondamentale, et essaient constamment de la corriger en liant de façon plus directe les activités à des objectifs. Ironiquement, ils le font de manière bureaucratique, par exemple avec le management par objectifs, les bonus de performance, l’attribution de budget, et ainsi de suite, ajoutant toujours plus de couches de contrôle à la bureaucratie. Ils voient également le besoin de changer et moderniser, qu’ils engagent en imposant des changements technocratiques, tous invariablement dénués de contexte – ce qui rend souvent le système plus chaotique.
Une bureaucratie comporte essentiellement deux éléments :
- Une sorte de comité de direction, ce qui se passe au sommet, où les dirigeants parlent de stratégies et de plans. C’est là que les buts et méthodes entrent en collision, souvent d’une manière très politique et visible, et que tous les autres au sein de la machine trouvent très effrayant et détestable.
- Des unités opérationnelles (les rameurs) qui ont un objectif et une performance définis, et qui se focalisent essentiellement sur l’exécution de tâches spécifiques par la division du travail. Les bureaucraties se développent en organisant cette séparation du travail en départements et fonctions, qui tendent à se multiplier à mesure que davantage de spécialités sont nécessaires. Dans une bureaucratie, du fait que le transfert d’informations basiques s’effectue par la voie hiérarchique, on assiste au phénomène étrange que l’information doit aller tout en haut de la chaîne jusqu’au niveau de direction pour passer d’un silo à un autre
Dans une bureaucratie, plus le comité de direction et les rameurs sont liés, plus elle devient difficile à manier. Les dirigeants sont attachés à la réalisation de leurs consignes d’exécution spécifiques et les exécutants sont désorientés par les discussions entre directeurs. Le résultat est un langage bureaucratique du management, dans lequel les mots et les concepts sont essentiellement utilisés pour ne rien dire – l’origine de ce qui est désormais désigné par « bullshit jobs ».
Qu’est-ce qui crispe une bureaucratie
La bureaucratie s’assure que les trains roulent et que les déchets sont collectés. Elle est essentielle à notre façon de vivre. Ce qu’elle ne parvient pas à faire, c’est faire les choses intelligemment, comme s’assurer que les trains partent à l’heure et que les déchets sont correctement triés pour le recyclage. Ce n’est pas une anomalie ; c’est un défaut de conception. Les manières dont les bureaucraties s’alourdissent sont très connues et évitables : sur-administration par les fonctions, la sur-centralisation des prises de décisions, des résultats et conséquences déroutants, la promotion de leaders méprisants et sans scrupules, agressifs et adeptes de la simplification à l’extrême, et qui exploitent le système à leur bénéfice personnel, et plus généralement, leur propre transformation en institutions hypertrophiées plutôt qu’en des organisations lean et centrées sur leur mission. Cela est majoritairement dû au fait que les dirigeants bureaucratiques ne comprennent pas la nature de la bête, et ne font qu’empirer les choses alors qu’ils pensent les améliorer.
L’affliction dominante de toutes les bureaucraties est la sur-administration de ses propres activités, principalement en ajoutant des couches de contrôle aux mécanismes de contrôle déjà existants et en mélangeant pilotage et exécution. Par exemple, plutôt que de s’intéresser aux postes vacants et de recruter sur la base d’une qualification minimale, un service des ressources humaines bureaucratique à l’extrême ne résistera pas à l’envie d’ajouter de nouveaux prérequis, en décidant arbitrairement de la façon de reconnaître les talents, en explicitant ces critères, et en définissant des processus. Au final, un processus de recrutement qui pourrait être réalisé en un simple entretien pour filtrer ceux qui ne sont pas adaptés pour le job se transforme en une évaluation complète qui ralentit chaque recrutement, fait fuir les bons candidats, et aboutit fatalement à un poste non pourvu. L’absurdité bureaucratique dans tout cela est que le candidat éventuellement choisi par les RH en tant que « talent » n’aura pas plus de chances de réussir que quelqu’un ayant les qualifications de base qui ferait ses preuves sur le terrain. Après tout, que connaissent les RH du vrai travail ou du leadership ? Puisque chaque fonction a tendance à agir de cette manière, les rouages de la bureaucratie s’enrayent généralement sans aucun bénéfice visible, et tout le monde le voit.
De manière analogue, la structure de « Command-&-Control » des bureaucraties a tendance à faire circuler les informations vers le haut pour satisfaire le besoin de davantage de reporting pour les patrons, et encourage les fausses informations ou les erreurs d’aiguillage. Ces mêmes patrons décident qui sera promu et qui sera fustigé. Personne n’apprécie les oiseaux de mauvais augure et les bureaucrates ambitieux deviennent des experts qui savent présenter l’information de la bonne façon et rejeter la faute des mauvaises nouvelles sur les autres, chez les départements voisins (avec qui ils ont des conflits depuis un certain temps). Il en résulte des prises de décisions centralisées, puisque les bureaucrates évitent tout autant de prendre des décisions (pour se préserver des blâmes éventuels) et aiment faire le boulot de ceux en dessous d’eux (pour affirmer leur contrôle). Pire encore, l’information sur laquelle est basée la prise de décision centrale présente généralement des lacunes, parfois fatales, précisément à cause des systèmes de reporting et processus en place. Les décisions se polarisent en deux extrêmes : soit on ne fait rien, soit on fait quelque chose de complètement fou pour « faire bouger les choses » et « faire avancer les sujets » – ce qu’on appelle les « ultra-solutions » avec des conséquences catastrophiques.
La théorie du Command (donner des instructions) & Control (vérifier l’exécution) de la bureaucratie amène facilement à une confusion entre l’unité de pilotage et l’unité d’exécution, car elle confond les conséquences (des résultats de performance générale qui résultent de nos actions) avec les résultats (des résultats ciblés et spécifiques). Une autre théorie du command-&-control, plus à même de distinguer exécution et pilotage, définit d’abord la cible générale (intention de direction) et puis vérifie les effets globaux (conscience de la situation) – qu’essayons-nous d’accomplir ? Où est-ce que les événements nous entraînent ? Pour ce faire, il faut des modèles de pilotage solides (pour distinguer les avancées des régressions) et des ressources intelligentes indépendantes, investies dans la mesure des impacts sans être investies dans les politiques elles-mêmes – des choses complètement contre nature pour les bureaucrates ambitieux, qui feront tout pour s’en débarrasser ou les asservir.
Les dirigeants des bureaucraties sont clairement conscients que le système donne des résultats médiocres, et ils cherchent donc constamment à améliorer les choses en optimisant les opérations. Les bureaucrates ambitieux peuvent donc se transformer progressivement en des technocrates et s’engager à patcher un nouveau processus ou système sur l’organisation pour la faire changer. Ce type de changement est souvent défini pour le simple fait de changer, avec des métriques de réussite appropriées, et crée un champ de bataille bureaucratique entre l’agent du changement et les tenants des positions établies – et en ajoutant davantage de processus à ceux déjà en place, une totale confusion pour les rameurs, et le désengagement des employés. Cela a été appliqué à de nombreuses reprises aux grandes organisations, comme les hôpitaux, où la préoccupation principale n’était plus de s’occuper des patients, mais désormais de s’occuper des nombreux systèmes et processus en place qui vous empêchent de vous intéresser aux besoins spécifiques du patient.
Globalement, ces mécanismes transforment les bureaucraties en institutions, des systèmes humains dont le seul but est de se maintenir en l’état, quelles que soient les performances de leur service ou les exigences de leur environnement. Jusqu’à ce que ces environnements les endommagent définitivement ou finissent par les détruire. L’opposé d’une institution est une organisation orientée vers une mission, où la lourdeur bureaucratique est délibérément tempérée par la séparation claire des unités de pilotage (but et mission) et des unités d’exécution, la vérification constante des conséquences des décisions et de la façon dont elles sont appliquées, l’encouragement des initiatives intelligentes inspirées du contexte, et la promotion des personnes ayant une perception aiguisée des résultats et des conséquences (qui comprennent les besoin humains, tant des clients que des collaborateurs, et qui ont appris à faire la part des choses entre les nécessités bureaucratiques, la souplesse situationnelle et l’empathie humaine de base).
Les caractéristiques d’un bon bureaucrate ?
Un bon bureaucrate reconnaît (et défend) le pouvoir de la bureaucratie. Il sait à quel point les règles sont utiles pour gérer les situations confuses ou tendues émotionnellement. Il comprend la façon dont les rôles limitent l’intérêt personnel et l’envie de remplumer l’un au détriment des autres. Il sait que les processus font que les choses sont faites et que les processus répétables accomplissent les choses de façon répétée (quand bien même pas nécessairement en toute fiabilité). Finalement, les bureaucrates sont de solides fervents de la promotion par le mérite plutôt que par les réseaux. Toutefois, les bons bureaucrates comprennent également à quel point l’emballement administratif peut devenir préjudiciable, à quel point l’application de règles sans se soucier du contexte peut être froide et inhumaine, et à quel point la lourdeur bureaucratique peut détruire la confiance (et donc les performances).
Que doit donc faire un bon bureaucrate ? Le point de pivot consiste à prendre en compte le contexte dans l’application des règles, rôles et processus propres à la bureaucratie :
- Évitez de donner des instructions (et de vérifier leur exécution) et commencez à négocier. Quelle est la meilleure approche gagnant-gagnant que nous pouvons trouver dans les circonstances actuelles, ce qui va faire progresser la situation vers un accord mutuellement accepté et des performances améliorées ?
- Clarifiez les buts ultimes en termes de bénéfices pour l’entreprise. Rappelez à chacun que la mission de la bureaucratie est de fournir un service à ses utilisateurs, et pas de rendre les choses plus simples pour elle-même.
- Décentralisez en développant l’autonomie par l’éducation et la prise d’initiative. Combattez la tendance qu’a la bureaucratie à sur-centraliser chaque décision en encourageant les managers de terrain à penser par eux-mêmes (par l’éducation) et à prendre des initiatives (pour composer avec le contexte).
- Protégez les budgets de maintenance. Assurez-vous que les activités de soutien de base de la bureaucratie fonctionnent et évitez toutes les initiatives technocratiques de modernisation (comme un nouvel ERP).
- Promouvez les personnes qui obtiennent des résultats et sont tout aussi bien appréciées des personnes qu’elles dirigent que de leurs collègues. Les bons managers doivent être tout aussi pugnaces dans la recherche de résultats que dans la collaboration pour obtenir la performance avec leur équipe et les autres départements.
En comprenant la nature explicative, dénuée de contexte, et centralisatrice des bureaucraties, nous pouvons apprendre à les faire fonctionner plus efficacement. Les bons bureaucrates sont ceux qui comprennent, dans certaines limites, le besoin de circonstances spécifiques, les réactions humaines, et les changements systémiques. Les bons bureaucrates comprennent que les discussions de pilotage doivent rester ouvertes (qu’est-ce qui a fait que nous en sommes là ? Où devrions-nous aller après ?), que les leaders opérationnels doivent avoir assez de latitude pour gérer les spécificités locales et exprimer leurs intuitions et initiatives, et que les agents de la bureaucratie doivent être à même d’exprimer leur humanité, leurs failles, leur vie émotionnelle, leur besoin d’interactions fructueuses, et la recherche de sens. Les mauvais bureaucrates, à l’inverse, poussent les solutions dénuées de contexte à l’extrême. Ce sont des personnes qui prennent des mesures pour simplifier leur propre travail en imposant aux autres un ordre arbitraire, sans se soucier des conséquences sur la performance ou de l’impact social de leurs actions.
Comment le lean s’intègre-t-il dans tout cela ? Il s’avère que le lean a été conçu par les dirigeants de Toyota comme un antidote à la bureaucratie – ou, comme ils l’appellent, le « syndrome des grandes entreprises ». Le modèle de productivité normal dans une bureaucratie consiste à chercher l’avantage de coût par le volume. Pour ce faire, elle crée un système d’optimisation des activités sans se soucier du contexte, créant ainsi des stocks et des retards. Le besoin de produire signifie également que la qualité est de la responsabilité d’un département bureaucratique et est ignorée par les unités d’exécution, qui doivent être organisées de la même manière quel que soit l’environnement local.
La réflexion lean renverse complètement cette idée. Premièrement, elle prend la défense des team leaders, qui amènent leurs équipes à s’organiser et à piloter leurs propres ateliers par le 5S, en se concentrant sur la sécurité dans le processus. Puis elle responsabilise chaque unité opérationnelle sur sa qualité, en faisant de la résolution de problèmes dépendants du contexte le boulot du team leader. Ces unités sont ensuite coordonnées grâce à des systèmes de flux tirés afin de réduire les délais, ce qui requiert que les managers de terrain résolvent et coordonnent toujours plus de problèmes dans leur contexte. Les gains liés aux volumes sont obtenus en éliminant les pertes bureaucratiques des processus par la résolution des problèmes aux plus bas niveaux de la chaîne hiérarchique. Les leaders lean s’assurent que la bureaucratie reste concentrée sur le contexte à l’aide des « gemba walks », durant lesquels ils vont sur le terrain et regardent ce qui se passe, obtiennent que les gens s’accordent sur les problèmes et s’engagent dans le kaizen – l’amélioration continue.
Cette attitude lean a un effet sur le système bureaucratique car elle lui apporte du contexte sur quatre niveaux :
- Les challenges : les discussions de pilotage sont riches en contexte, basées sur une tentative de comprendre ce qui est en train de changer autour de nous et comment l’organisation devrait s’adapter. Les questions sont : 1) « quels sont nos challenges dans tel contexte? », et 2) « Que devons-nous garder et que devons-nous changer? ».
- Le Kaizen : au niveau opérationnel, toutes les unités sont supposées améliorer en continu la valeur qu’elles apportent à leurs clients internes et externes et leur performance générale en engageant les équipes du terrain dans des activités kaizen, et en résolvant les problèmes de manière routinière en fonction du contexte, ce qui implique généralement d’adapter les règles et les processus à des situations spécifiques.
- La coordination tirée : les silos sont liés entre eux par des chaînes de coordination, qu’il s’agisse des ingénieurs en chef ou de systèmes de flux tiré, afin que les managers traitent les blocages du flux de travail.
- Développement des personnes : l’accent mis sur la résolution des problèmes dans leur contexte nécessite de détecter et de promouvoir les compétences plutôt que le respect des règles, ce qui demande par voie de conséquence des investissements significatifs dans la formation et l’éducation pour développer les personnes individuellement, personnellement, et professionnellement. Les personnes sont traitées en tant qu’individus, et l’intérêt de l’organisation est orienté vers les équipes et leurs team leaders.
Chercher à comprendre le contexte des gens (le « respect » selon la terminologie de Toyota) est la clé pour créer des relations de confiance entre les gens, qui comme nous le savons, sont aussi la clé de la performance collective. Avoir confiance dans la prise en compte du contexte et dans le fait que la chaîne managériale se comportera comme une chaîne d’aide crée également les conditions de l’apprentissage humain par la résolution de problèmes similaires dans des contextes variés. Il faut pour cela que les dirigeants se focalisent constamment sur trois aspects basiques de la confiance :
- La confiance que les clients ont que le service dont ils ont besoin sera fourni avec compétence et attention ;
- La confiance que les employés ont dans la capacité des système internes à les aider plutôt que les pénaliser ;
- La confiance de chaque individu en sa hiérarchie, et que son supérieur direct l’aidera à résoudre ses difficultés personnelles plutôt que de l’accabler quand elles surviennent.
Apprendre à résoudre les problèmes pour construire cette confiance, au cas par cas, se cumule en une intelligence collective qui crée un genre de bureaucratie très différent – une bureaucratie qui aide. Une bureaucratie qui tire sa performance de l’intelligence plutôt que de la force brute et d’une autorité écrasante. Une bureaucratie qui peut s’adapter efficacement aux conditions changeantes année après année.
Le lean n’est pas anti-bureaucratique. Il s’appuie sur l’explicitation de la connaissance tacite tout autant que n’importe quel système bureaucratique. Il reconnaît qu’il y a besoin de définir des rôles et des règles, des processus et des systèmes. La différence avec les autres modèles d’organisation, c’est cet ingrédient mystérieux qu’est “l’esprit kaizen” pour chercher à créer une bureaucratie habilitante (en opposition à la lourdeur bureaucratique). La plupart des programmes lean périclitent parce qu’ils ne parviennent pas à comprendre la nature des bureaucraties et donc, à leur insu, transforment des principes et outils lean en des couches supplémentaires d’absurdités bureaucratiques, ce qui empire les choses. Cependant, lorsque les dirigeants appréhendent la nature de la bête et utilisent le lean correctement, ils réussissent spectaculairement à faire fonctionner leur bureaucratie pour leurs clients et pour leurs employées, souvent dans un contexte économique instable. Posez-vous donc cette question : quel genre de bureaucrate êtes-vous ?
Michael Ballé est un auteur Lean, coach de dirigeants et co-fondateur de l’Institut Lean France. Klaus Beulker est Vice-Président des opérations mondiales chez Coperion.
Traduction par Marc-Antoine Guichard, Nicolas Villemain et François Lopez
Téléchargez le PDF
Pour connaître et exercer vos droits, notamment de retrait de votre consentement à l'utilisation des données collectées par ce formulaire, veuillez consulter notre politique de confidentialité.