Parmi les 10 000 start-ups recensées en France, une moitié vont trouver leur marché et réussir à passer le cap des 5 ans selon les statistiques. Ces entreprises ont trouvé des niches de marché vierges, notamment dans des domaines technologiques tels que l’IA et le mobile, ou des domaines répondant à des impératifs sociaux tels que l’économie circulaire. Nombre d’entre elles réussissent à attirer des investisseurs français et étrangers, ou finissent pas être rachetées par des grosses boîtes, en perte de vitesse, qui trouvent dans ces start-ups une manière d’entrer dans l’ère du digital.
Malheureusement, après quelques années d’euphorie et d’hyper croissance, nombre de ces scale-ups finissent par faire face à une dure réalité : la chance y était probablement pour beaucoup dans leur réussite initiale mais elles ne l’ont pas compris assez tôt pour pouvoir rebondir. Elles commencent seulement à se poser des questions quand elles ont déjà investi dans le développement de nouveaux produits qui ne se vendent pas, ou suite à un échec cuisant d’exportation à l’étranger de leur produit phare. La croissance commence alors à stagner, tout le monde s’agite dans tous les sens pour essayer de trouver un nouveau filon et brûle du cash sans résultat convaincant, ce qui met l’entreprise dans une situation difficile. Les patrons se mettent alors à prendre des décisions court-termistes pour atteindre les objectifs de chiffres et satisfaire les investisseurs, mais rien qui ne permette d’affronter l’avenir avec plus de sérénité. Dès lors que l’on rentre dans ce cercle vicieux, il est difficile de garder un œil sur le monde extérieur et prendre le temps de se préparer à affronter les défis que nous lance constamment le marché.
Alors comment ne pas laisser sa croissance (uniquement) à la chance ? Qu’il s’agisse de trouver la prochaine opportunité ; d’anticiper une saturation de la niche qui a fait notre succès ; de rester agile et innovant même lorsqu’on grossit vite pour faire face à la concurrence galopante, ou de continuer à intéresser des clients qui ont déjà tout et sont de plus en plus exigeants, tournons-nous vers le lean.
L’objectif du lean est de créer le plus de valeur possible pour les clients dans le but de les fidéliser. Produire de la valeur pour le client consiste à résoudre complètement son problème sans lui imposer nos gaspillages, c’est-à-dire les coûts de nos erreurs et de nos idées fausses. Ceci peut s’exprimer sous la forme suivante :
Pour maximiser la valeur, il faut donc miser sur l’amélioration des fonctions et des performances de nos produits ainsi que sur une réduction des coûts associés à la production, la maintenance et l’utilisation du dit produit. Les deux se font en parallèle et en continu au travers de l’analyse de la valeur (VA) et de l’ingénierie de la valeur (VE).
L’approche lean de la VA consiste à résoudre les problèmes de qualité dans les produits existants, avec l’objectif de comprendre très finement :
1) ce que les clients essaient de faire avec nos produits et les situations dans lesquelles ils n’y arrivent pas;
2) où se situent les failles dans nos produits et quels gaspillages celles-ci révèlent dans nos méthodes de travail.
Une bonne façon de démarrer avec la VA est de se rendre régulièrement au service clients de l’entreprise et sur le gemba des clients pour comprendre de quoi ces derniers se plaignent. Puis, dédier un panneau dans l’obeya d’entreprise aux analyses de ces réclamations qui vont mener à l’amélioration de la valeur pour le client. Ce travail en continu d’analyse et de compréhension des clients agit comme un périscope sur le marché : il nous montre le chemin à prendre pour que notre offre reste pertinente.
L’autre axe de la VA consiste à comprendre comment la valeur livrée aux clients est créée au sein de l’entreprise, y compris chez les fournisseurs. Pour ce faire, l’équipe de management se rend fréquemment sur le gemba des équipes pour voir comment ces dernières s’y prennent pour concevoir, construire, intégrer, packager et livrer les produits et services, les aider lorsqu’elles rencontrent des problèmes compliqués et trouver les failles qui peuvent mettre l’entreprise en péril. L’objectif est d’impliquer les équipes dans l’amélioration de leurs propres méthodes de travail par le kaizen pour qu’elles apprennent à explorer les opportunités d’améliorer la valeur client. Il y a de fortes chances pour que la prochaine idée géniale, l’innovation qui va remettre l’entreprise sur une trajectoire de croissance, émerge de ces différentes expérimentations locales.
La VE, quant à elle, consiste à améliorer les fonctions et les performances des produits existants sur la base des découvertes issues de la VA, et de trouver la prochaine innovation qui va convaincre les clients de rester fidèles à la marque dans un future proche. Le but est de leur donner envie d’utiliser le nouveau produit, sans trop chambouler leurs habitudes. On ne cherche pas l’innovation disruptive en mode big bang, mais plutôt un rythme soutenu d’innovations qui vont permettre à l’entreprise de tester rapidement et fréquemment le marché sans prendre de trop gros risques financiers.
Dans l’obeya, ce rythme d’innovation soutenu se traduit par un product planning ou plan produit qui fournit une cadence de lancement de nouveaux produits et d’enrichissement des produits existants, appelée « takt produit ». Le takt est fixé en fonction du rythme auquel le marché cible évolue. Par exemple, Apple sort une nouvelle version d’iPhone tous les ans. Chaque nouvelle version du produit mise sur le marché, qu’elle soit le résultat d’une amélioration (kaizen) ou d’une innovation, est ensuite visualisée puis analysée au sein de l’obeya pour comprendre précisément ce qui a marché ou non, avant de démarrer le prochain cycle d’innovation.
Ce travail continu d’analyse et d’ingénierie de la valeur au sein de l’obeya et sur le gemba permet à une équipe de direction de réfléchir ensemble au prochain challenge pour l’entreprise : d’où vient la pression du marché ? Quels sont les prochains points durs à affronter ? Qu’est-ce qui va précipiter notre chute si nous ne le traitons pas sérieusement maintenant ? Il en va de la survie d’une entreprise. Le lean a tant à offrir à ces jeunes dirigeants de start-ups et scale-ups. Ceux qui vont accepter cette discipline au quotidien ont plus de chance de rester pertinents et de réussir sur le long terme.
Sandrine Olivencia
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