Excuse me, you cannot be serious man !

Excuse me, you cannot be serious man !

John Mc Enroe Wimbledon 1981

Ou “les rideaux bleus… ?

  • Swan : Tu crois pas qu’un bleu un peu plus pâle serait plus adapté ?
  • Alba : Non ! Avec la dorure matifiée des tringles, le bleu pétrole cendré est idéal.
  • Swan : Mais si ces rideaux sont trop foncés on perdra de la lumière, toute l’atmosphère de la pièce est détruite.
  • Alba : Cette couleur est ma décision j’en fais une ligne rouge.
  • Swan : Bon mais alors la tringle on pourrait la faire polir, non ?
  • Messieurs – Dames, faut évacuer là, l’immeuble va s’effondrer.
  • Alba : Mais qui c’est celui-là avec son casque ?
  • Swan : On dirait un pompier, il est beau hein, mais dis-moi, le poli de la tringle tu en penses quoi ? Regarde son casque miroir comme c’est joli.
  • Mais vous comprenez que tout est en train de brûler et qu’il faut sortir.
  • Swan : Qu’il est bruyant ce type, on parle de la texture du tissu là, il y a des priorités, on fait comment hein avec des rideaux mal assortis ? Regarde ça…
  • Alba : Mais ça va être cher non ce type d’étoffe, c’est Vénitien ?
  • Swan : Presque, la technique est vénitienne mais on l’achète en Chine sinon on passe pas et puis de toute façon maintenant ils sont meilleurs que les Italiens ; c’est incroyable comme ils se sont améliorés !
  • Alba : C’est pas dangereux pour nous ?
  • Swan : Pfft, mais non, ils n’ont aucun style, et le style ça fait tout. Tu trouves pas qu’il fait chaud tout d’un coup ?

Voilà ce que je ressens en écoutant nos élites.

Une discussion entre décorateurs d’intérieur dans une maison qui crame.

Parce que depuis 40 ans on laisse les enfants jouer avec les allumettes.

Parce que nous ne sommes plus sérieux. Avec notre industrie, notre rapport à la vie mais surtout vis-à-vis de notre éducation. Certains journalistes économiques sont surpris de la montée des dépôts de bilan. Comme tout le monde a été surpris de la chute de Bachar el Assad.

Si on regarde notre situation avec un peu de hauteur, on s’aperçoit que la France est le pays de l’OCDE où on travaille le moins par habitant (pratiquement moitié d’un Coréen et 30 % de moins qu’un Japonais) et où les prestations sociales sont les plus importantes. Mérite-on vraiment de vivre comme on le fait ? Et de vouloir toujours obtenir plus en donnant de moins en moins ?

Aujourd’hui de nombreuses personnalités et élites aussi hors sol que court-termistes imaginent que la France peut se réindustrialiser. Mais avec quoi ? Quelles usines ? Quelle énergie ? Avec qui ? Quels savoir-faire ? Et surtout quelle éducation ? Quand on parle de ces sujets à un politique, la réponse c’est

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L’industrie est l’antithèse du fric facile si à la mode depuis quelques temps entre Dubaï et les quartiers Nord. Bien à l’écart aussi de la quête de sens en vogue qui se traduit par rester chez soi le plus possible en se faisait croire qu’on est quelqu’un d’exceptionnel. Et s’exonérer de toutes responsabilité sous prétexte d’être « dys » ou HPI.

Tout le monde est étonné qu’après les délires post Covid, notre industrie que l’on croyait pleine d’allant et de talents plie sous le poids d’une énergie chère et de règlements idiots mais surtout à cause d’une concurrence qui ne nous a pas attendu et d’une perte de savoir-faire qui est en train de s’étioler.

Bref c’est un cruel, un très cruel manque de sérieux. C’est à dire que ce que l’on fait ou conçoit n’a aucune chance de fonctionner dans le monde réel.

Alors que voit-on ? Des sociétés qui n’ont aucun avenir qui s’écroulent en avalent des millions d’argent public comme cette start-up qui fait 80 M€ de pertes pour 3 de chiffres d’affaires. Mais mon Dieu comment est-ce possible ?

Notre industrie automobile licencie à tour de bras et nos élites n’ont toujours rien compris. Les crises arrivent généralement lentement puis brutalement. Comme la chute d’un dictateur, l’usure d’un outil, la maladie qui vous tue.

On s’étonne qu’une Europe sensée nous protéger nous régule ? Cette Europe est élue par nos citoyens et malheureusement depuis des décennies les Français ne considèrent ces élections que comme un défouloir. Peut-on alors être surpris d’avoir élu des fous méchants incapables de défendre nos intérêts dans cette compétition. Car il y a une compétition. Mais ce n’est pas celle à laquelle ces gens pensent.

Face à la Chine et aux USA, l’Europe est la seule possibilité. Mais pour peser, il faut être fort.

La France perd de l’influence partout parce qu’elle perd de la force. Ses citoyens croient le gagner en confort mais cela est très passager. Ce confort actuel n’est dû qu’au passé. Pour compter il faut être puissant, on peut ne pas aimer, on peut ne pas être d’accord mais sans puissance économique, on ne compte pas.

Les pauvres n’ont pas de pouvoir. Même s’ils sont nombreux. Alors on nous dira, surtout en France qu’ils peuvent mener la révolution. Certes, mais comme le disait Napoléon, il y a ceux qui font la révolution et ceux qui en profite et encore une fois, ce ne sont jamais les pauvres. La « richesse » ne vient pas en réclamant, ni en prenant, elle vient en travaillant et en étant sérieux. Que l’on soit clair, ce n’est pas chacun d’entre nous qui doit être riche, c’est notre pays. Car on ne peut pas être heureux, même riche, dans un pays pauvre. Cueillir les fruits de l’arbre, tout le monde a bien compris, mais amender la terre, s’occuper des racines, arroser, protéger des agressions extérieures et des prédateurs, qui le fait ?

Encore une fois, peu de nos citoyens ont compris et aiment l’Europe. C’est bien dommage car les USA n’en finissent plus de s’enrichir. L’avarice financière d’aujourd’hui ébahirait Gordon Gekko (le héros du Wall Street) dont l’inhumanité de l’époque serait maintenant considérée comme le rêve d’un petit chanteur à la croix de bois.

La Chine est le moteur du monde. On la voyait comme un marché pour nos produits chers et comme un fournisseur fabuleux de commodités bas de gamme. Les Chinois n’achètent plus nos produits de luxe mais nous inondent avec des technologies que nous sommes maintenant à des années lumières de maitriser. Comme quoi c’est bien fabriquer qui est à l’origine de tout. La Chine a aujourd’hui la puissance (à l’échelle près) qu’avait la France quand elle caracolait en tête des nations occidentales et mettait en place l’énergie nucléaire, développait le Concorde, créait Airbus et Ariane ou le TGV. Quand elle inventait le minitel ou le micro-ordinateur, l’hélicoptère à turbine et elle innovait avec la FAO, la carte à puce, les premiers tests VIH etc…

Aujourd’hui dans une ville française. Il est assez probable que le plus gros employeur soit l’hôpital et le second l’hyper marché de la grande zone commerciale. Comment imaginer aller bien si la majorité des gens travaillent dans des endroits qui, bien qu’étant nécessaires, coûtent sans créer de valeur ajoutée. Alors évidemment les Français n’ont plus le moral. L’échec au long court déprime. Et au lieu d’aller au combat, on préfère cacher cette “misère” en mettant des grands mots sur des questions fumeuses auxquelles finalement personne croit. Je pense que jamais dans son histoire, les Français ne se sont jamais autant menti à eux même qu’en ce moment. Je dirais que la dernière fois était lors des accords de Munich en 1938 et le retour à la réalité s’est manifesté assez vite.

La France est un pays schizophrène au sens le plus médical du terme.

MAIS

Mais à Onnaing, une usine automobile embauche et vend des voitures. Gagne de l’argent avec et cela depuis longtemps. La société qui l’a construite en gagne plus que les autres en développant les personnes par l’apprentissage à la résolution de problèmes.

Cette société c’est Toyota. Mais comment font-ils demande un journaliste de France Info. Même eux se demande s’il y a un secret. Ils parlent de kaizen, ce truc d’alpiniste.

En fait, oui Toyota est différent mais pour la plupart, c’est bien trop d’effort pour essayer de comprendre.

Alors que fait-on ? On achète des nouveaux rideaux pour ne pas voir l’état de la rue ou bien on regarde un peu ce que font les usines de Toyota, qui emploient des êtres humains en France, qui ne blanchissent pas l’argent de la drogue et qui ont effectivement un secret.

Ils sont sérieux. Tout est sérieux. Du début à la fin. Et ça marche. Cela s’appelle le TPS ou le Lean et depuis 100 ans ça marche.

Bien plus sérieux que Renault ou Peugeot dirigés par des managers flamboyants et méchants mais qui finalement ne font qu’appauvrir le pays et à la fin même l’actionnaire n’y trouve plus son compte. Dans l’adversité, nos élites appellent au secours d’autres élites ; souvent des cabinets anglo-saxons dont les “juniors” fraichement sortis d’un MBA et qui n’ont jamais vu d’usine coupent les coûts, bureaucratisent tout en vous prenant au passage 10000€ par jour. Et ne s’occupent jamais de la technique ou du développement des personnes. Ils ne savent même pas ce que c’est.

Ce qu’il faut admettre est que tout est lié au process, à la machine. Pas aux processus ni à l’organisation. Et que c’est nous qui décidons. Nous sommes les artisans de nos succès comme de nos impasses. Les “experts” ne s’occupent que de la couche superficielle et ne changeront rien en profondeur. C’est à travers de l’apprentissage des personnes, la résolution de problèmes techniques et la qualité que la solution se trouve.

On pense souvent à tort que les crises sont des aléas. C’est parfois vrai, souvent faux. Imaginons cette famille dont le père conduit avec 3 gr d’alcool et qui pour se donner de l’énergie s’est fait une petite ligne avant de partir. Il conduit prudemment mais quand surgit un scooter en roue arrière avec deux ados non casqués qui sortent d’un run, il se décale trop tard et s’encastre dans un 38T d’un pays de l’Est dont le conducteur est au volant depuis 37 heures et qui passe le temps en regardant des vidéos porno sur son smartphone.

Un alea, ou la chronique d’une mort annoncée ?

Pour notre industrie, les mêmes questions se posent. Mais il y a un chemin.

Du sérieux, il y en a encore, notamment à l’Institut Lean France. Oui, on peut encore agir, mais pas n’importe comment. En Lean, on a l’habitude de se placer deux niveaux au-dessus pour prendre en compte toutes les composantes de la situation. Si vous lisez ce post et que vous êtes décideur, faites un tour à l’ILF. Ce ne sera pas du temps perdu. Le salut ne viendra pas des politiques, il viendra de nous si nous travaillons bien. Pour le faire dans ce monde si changeant le Lean est pour moi la seule possibilité sérieuse.

Car comme l’a chanté Vianney lors de la réouverture de Notre Dame, chantier magistral s’il en est :

« QUI ABANDONNE EST DÉJÀ MORT

QUI ESPÈRE RESPIRE ENCORE. »

Je crois dans la force du bon moment. Pour l’industrie, c’est maintenant qu’il faut bouger, voilà mes vœux pour 2025, que chaque patron s’intéresse au Lean.

Jean-Claude Bihr

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