Si vous pensiez que l’on naît leader, détrompez-vous. Le leadership peut s’apprendre et dans cet article, Julie Chevalier nous propose un guide en quatre étapes afin de le développer.
Le leadership n’est pas un don, c’est le résultat d’un chemin d’apprentissage. C’est un ensemble de compétences, et comme toute compétence, il faut des heures de pratique pour la développer. Demandez donc à n’importe quel athlète ou artiste !
Lorsque j’ai rejoint l’Institut Lean France il y a bien longtemps, j’ai eu la chance d’intégrer la communauté de pratiques “Lean en ingénierie”. Après avoir observé Michael Ballé et Cécile Roche développer ce mouvement, j’ai tenté de m’approprier et de pratiquer leur modèle de leadership afin de développer ma propre communauté de pratique lean en industrie. À partir de mon expérience et d’innombrables heures de discussion avec mes collègues, il est devenu pour moi évident qu’il existe quatre étapes pour développer ses propres compétences de leadership.
Il est important de préciser que cette approche n’est pas un nouveau processus bureaucratique que vous devez suivre pas à pas, mais un guide pour auto-évaluer vos compétences, afin d’identifier les sujets d’amélioration et, de ce fait, avoir plus d’impact sur vos équipes, votre entreprise, et – pourquoi pas – sur la société.
Tout d’abord, vous allez devoir vous mettre en avant pour traiter le problème que vous souhaitez résoudre ou tester une idée. Puis, vous allez devoir passer à la deuxième étape : recruter des alliés et créer votre structure de communication. Si votre idée est suffisamment forte, vous allez rapidement attirer des adeptes. Ils auront besoin de votre bienveillance et d’un soutien généreux afin d’approfondir leur engagement. Enfin, vous allez devoir regarder vers l’avant, vers le changement stratégique que vous allez mettre en œuvre. Et parce qu’il n’est jamais aisé de changer des habitudes, vous allez devoir suivre vos résultats et décider quels sont les changements à adopter, ajuster ou abandonner.
LE PREMIER PAS
Le premier pas est l’étincelle. Se mettre en avant semble assez simple, mais remettre en question le statuquo ne l’est pas – surtout quand le système en place est en train de le défendre, et que vous êtes confronté à la résistance de ses thuriféraires.
Lorsque Mathieu, directeur d’usine d’une entreprise industrielle, a décidé de lancer une transformation lean, il a commencé par regarder les réclamations de ses clients. Cela l’a rapidement mené à la zone d’expédition. Il a commencé à expliquer sa vision à l’équipe d’expédition en termes très simples : « si nous souhaitons satisfaire nos clients, nous devons d’abord comprendre ce qui se passe dans notre processus d’expédition, et comprendre pourquoi certaines commandes stagnent sur les étagères alors que nous sommes en retard pour en livrer d’autres. » Il a par la suite aidé l’équipe à se lancer et leur a demandé d’installer un simple tableau dans la zone pour suivre les expéditions prévues par rapport à celles qui sortaient réellement. Après quoi, il a régulièrement rendu visite à l’équipe sur le terrain, mais le tableau a mis beaucoup de temps à voir le jour ! Après deux ans, il a finalement réussi : le tableau était présent dans la zone d’où les camions partaient et l’équipe disposait d’un espace physique pour discuter des problèmes et faire du kaizen.
Donc, que s’est-il passé ? Mathieu s’est mis en avant et a maintenu son cap, tout en mettant en cause le statu quo et la résistance de ses adeptes jusqu’à ce que l’étincelle crée une flamme. Il savait que la satisfaction client est le fruit d’équipes qui résolvent des problèmes en s’impliquant peu à peu dans des activités de kaizen et en testant des contre-mesures originales. Il s’est alors consacré au planning d’expédition et s’est rendu sur le gemba toutes les semaines pour échanger avec son équipe et écouter les défis auxquels elle faisait face. Au fil de ces échanges, il a appris à rester calme avec les adeptes du statuquo et n’a jamais abandonné. Il avait une vision claire et a continué de répéter et de recadrer pourquoi il était si important d’avancer sur ce même sujet. En effet, l’autre leçon importante de l’histoire de Mathieu est la façon dont il a choisi le problème auquel s’attaquer. Sa direction était claire comme de l’eau de roche : les personnes – qu’il s’agisse des clients ou de l’équipe.
RECRUTER DES ALLIÉS
Mais il n’y a pas de leader solitaire. Ce qui nous amène à notre seconde étape du développement de son leadership : trouver des alliés. Sans alliés pour vous aider, votre initiative ne sera qu’un feu de paille. Il vous faudra identifier la structure de communication dans votre organisation et maîtriser la communication persuasive.
Permettez-moi de partager avec vous un exemple : un jour, Cécile Roche, Christophe Richard et moi-même – tous trois membres de l’Institut Lean France – avons décidé de nous mettre en avant en créant une communauté de pratique du Lean en industrie. Nous pensions secrètement que cela fonctionnerait naturellement, puisque nous savions qu’il existait un besoin pour un espace où les personnes de l’industrie pourraient se rassembler et échanger. Pourquoi cela ne fonctionnerait-il pas ? De ce fait, nous avons conçu le plan, planifié, organisé. Une fois que nous étions prêts à partager la nouvelle avec le monde que quelque chose de génial était en route, devinez quoi ? Il ne s’est rien passé ! Presque personne ne s’est inscrit. Je me rappelle d’une discussion avec mon équipe lorsque nous avons finalement réalisé que nous avions loupé la deuxième étape : nous n’avions pas porté suffisamment d’attention à notre communication. Par conséquent, nous nous sommes retrouvés seuls, sans alliés pour soutenir notre idée brillante. Un grand changement de plans s’est imposé : nous avons décidé d’arrêter ce que nous étions en train de faire (concevoir, programmer, marketer, …) et de tout reprendre à zéro, en prêtant une attention particulière à la manière de structurer notre communication, d’identifier nos alliés et de les recruter un à un. Et cette fois-ci, cela a marché !
La clé est ici de s’éloigner de l’approche classique du « qui fait quoi ? » et de définir « qui parle à qui ? ». Cela peut réellement faire la différence entre une idée en un projet viable.
RECRUTER DES ADEPTES & CRÉER UNE COMMUNAUTÉ
Nous avons assez vite réalisé que pour bâtir cette communauté, nous avions besoin de davantage que quelques alliés. Nous avions besoin d’une communauté d’adeptes. La troisième étape du développement du leadership fait exactement référence à cela : des adeptes qui vous soutiennent. La croissance d’une communauté d’adeptes se fait de façon organique. Vous n’avez pas besoin de les recruter par le biais de votre communication persuasive, comme vous le feriez pour les alliés. Avoir des adeptes qui vous soutiennent implique d’entretenir votre réseau en faisant preuve d’attentions, en étant généreux, en reconnaissant les contributions des personnes, en les encourageant à s’engager et à amener de nouvelles personnes avec eux. Vous n’avez pas besoin de leur parler quotidiennement, mais vous devez reconnaître leur existence même s’ils ne sont pas vos alliés, reconnaître qu’ils jouent un rôle clé dans ce nouveau mouvement. Lorsque vous en arrivez à ce point, vous devez voir et traiter chaque individu comme un contributeur clé.
AVOIR UNE VISION DES CHANGEMENTS STRATÉGIQUES ET LES SUIVRE
Une fois qu’un leader s’est engagé sur un problème, a recruté des alliés en identifiant les structures de communication en définissant « qui parle à qui » et a apporté suffisamment d’attention à ses adeptes, il devra développer une toute dernière compétence : sa capacité à s’engager dans des changements stratégiques et aider les gens à gérer les conséquences de ces changements.
S’engager dans des changements stratégiques signifie reconnaître les défis à venir et prendre les virages nécessaires pour s’adapter à de nouvelles circonstances. Vous pouvez commencer en vous posant quelques questions simples : quel est le planning que vous avez en tête ? Lorsque vous imaginez le futur, l’imaginez-vous dans trois mois, six mois, un an, plus encore ? Puis essayez de réfléchir plus profondément : que se passerait-il si vous poussiez l’horizon de trois mois à trois ans ? De trois ans à cinq ? Les problèmes que vous êtes en train de gérer seront-ils aussi importants dans trois ans ? Quels sont les obstacles évidents entre votre situation actuelle et votre situation future ? Quels problèmes épineux requièrent votre attention tout de suite sous peine de devenir de plus en plus gros dans le futur ? Et où, précisément, devez-vous faire votre prochain pas, recruter des alliés et entretenir une communauté d’adeptes ?
Élargir l’horizon pour regarder au-delà des résultats court-terme est un point clé pour développer et maintenir son leadership.
Dans notre communauté “Lean en industrie”, par exemple, de nombreuses problématiques sont encore présentes et requièrent des actions stratégiques : le développement durable, la réindustrialisation du pays, l’intelligence artificielle et les nouvelles technologies, la contraction des marchés et l’inflation, les pénuries dans les chaînes d’approvisionnement… Ces défis se présentent en ce moment même et il est vital de nous demander l’effet qu’ils auront sur notre futur. Quels sont les virages stratégiques que notre communauté doit envisager pour continuer d’exister dans cinq ans ? Qu’en sera-t-il dans dix ans ?
En effet, personne n’aime changer ses habitudes, ce qui signifie que vous allez devoir en permanence manager le changement et accompagner les personnes. Le changement fait partie de la vie, mais nos réactions émotionnelles à son égard peuvent être difficiles à appréhender. Les leaders doivent faire preuve d’empathie en écoutant, en faisant écho, et en prenant en compte les émotions des personnes, en leur faisant savoir qu’ils ne sont pas seuls.
Au bout du compte, une fois que le leader s’est engagé dans le changement et arrive à gérer les réactions émotionnelles des personnes qui seront affectées par celui-ci, il doit observer les résultats des précédents plans et décider s’il vaut mieux les intensifier ou simplement changer de cap.
POUR CONCLURE
Il n’existe pas de recette pour être un grand leader, mais la bonne nouvelle est que le leadership peut s’apprendre. Nous pouvons développer nos compétences de leadership en pratiquant ces quatre étapes : nous engager sur une problématique, recruter des alliés, développer une communauté d’adeptes et nous engager dans les changements et leur accompagnement. Ce guide d’auto-évaluation peut être votre voie pour développer sérieusement vos compétences de leadership et aider d’autres à devenir demain de grands leaders.
Julie Chevalier est coach lean et membre de l’Institut Lean France.
Article paru dans Planet Lean. Traduction de Marc-Antoine Guichard, Nicolas Villemain et François Lopez.
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