Le troisième roman lean de Michael Balle, Lead With Respect, explore en profondeur les méthodes concrètes qu’adoptent les managers lean pour libérer le potentiel de développement des personnes. Dans cette chronique, Michael explique ce que ce livre de 2014 a introduit de nouveau — et d’éternel.
La dimension de « respect » dans le lean n’est pas vraiment une nouveauté. Déjà en 1977, le tout premier article publié en anglais sur le Système de Production de Toyota, le décrit comme comportant deux caractéristiques majeures :
- La production en Juste-à-Temps : fabriquer uniquement les produits nécessaires, au moment nécessaire et dans les quantités nécessaires, et le stock à disposition est aussi bas que possible.
- Un système qui respecte les personnes : les opérateurs sont autorisés à déployer l’entièreté de leurs capacités à travers la participation active dans le pilotage et l’amélioration de leurs propres tâches.
La signification du terme « lean » a évolué depuis qu’il a été popularisé, pour désigner de manière plus générique le Système de Production de Toyota. Au début, le juste-à-temps était mis en avant dans le message. Depuis, nous avons réalisé l’importance du respect des personnes dans la pensée lean. Tandis que dans ses premiers jours l’objet du lean était essentiellement de mener des ateliers kaizen pour améliorer le flux, nous avons observé il y a bien longtemps une évolution de la notion d’amélioration ponctuelle vers celle d’amélioration continue. Évoluer de la formation continue au développement par la résolution de problèmes a été également un élément-clé de la pensée lean. À cette époque, nous n’avions pas vu que le point de départ du lean était le « respect », ni compris à quoi le reste de la pensée lean ressemblait de ce point de vue.
Nous posions la question : “Existe-t-il un comportement de leadership lean auquel les personnes pourraient aspirer afin de parvenir à des résultats lean ?” Quand mon père et co-auteur Freddy et moi avons commencé à avoir cette discussion, juste après avoir publié The Lean Manager, nous revenions toujours au simple constat que malgré les efforts de Freddy de développer tous ses n-1 à la pensée lean, peu nombreux sont ceux qui ont “pigé”. Plus tard, après le départ à la retraite de Freddy, nous avons conçu des programmes lean pour aider d’autres entreprises sur la base de son expérience. Nous avons essayé d’améliorer la proportion de ceux qui avaient “pigé” sans beaucoup de succès visible, je dois l’avouer. Il semblait toujours y avoir environ 30 % des directeurs qui ” pigeaient ” et qui, par conséquent, apprenaient à redéfinir ce que la performance signifiait pour le groupe ; ils étaient suivis par 50 ou 60 %, qui appliquaient alors des outils pour rattraper leur retard, ce qui laissait inévitablement 20 à 30 % qui résistaient aux nouvelles idées jusqu’à la fin. Dans l’ensemble, cet effort a donné des résultats visibles, mais il avait la faiblesse familière d’être assez fragile, car l’ensemble du programme reposait sur l’énergie et l’esprit d’un petit nombre de personnes.
Je suis sur le Gemba, et maintenant?
En examinant au cas par cas, nous nous sommes demandé ce qui distinguait les dirigeants qui avaient “pigé le truc” des autres, et nous nous sommes aperçus que nous posions la question d’un standard de leadership : existe-t-il un comportement de leadership lean duquel les gens pourraient s’inspirer pour obtenir des résultats lean ? Pendant des années, nous avions dit que la première étape du lean thinking était “d’aller voir par soi-même sur le Gemba” – mais que devait faire exactement un dirigeant une fois sur le Gemba ? (nous nous sommes rendu compte que de nombreux dirigeants évitaient le Gemba car les commentaires et demandes occasionnelles des employés rencontrés sur leurs lieux de travail les mettaient mal à l’aise).
En s’appuyant sur l’expérience directe de Freddy en tant que fournisseur de Toyota, nous avons commencé par interpréter le “leadership” comme un engagement à atteindre des objectifs par le développement de chaque individu, par opposition au développement des personnes en général. Nous nous sommes rendu compte que le développement des personnes était le premier impératif : les résultats devaient être recherchés d’abord par le développement des personnes, et non par le commandement et le contrôle qui développe les personnes de manière accessoire. Cette conviction nous a amenés à définir les principaux objectifs du leader se rendant sur le Gemba :
- 1. Amener les gens à s’entendre sur le problème avant de débattre des solutions, en se concentrant sur les faits et leur interprétation – et s’efforcer d’écouter les avis des personnes en première ligne et entendre leurs préoccupations.
- 2.Le développement quotidien au poste de travail grâce à la discipline du flux tiré (JIT et Jidoka) – chacun apprend en résolvant des problèmes dans le cadre de son propre travail par (1) l’apprentissage des standards et (2) la résolution de problèmes.
- 3.Intensifier la collaboration au sein des équipes et au-delà des frontières fonctionnelles en apprenant à résoudre des problèmes avec les collègues – et donc à améliorer les processus globaux grâce à une meilleure coordination.
- 4.Encourager l’initiative et la créativité des employés en les aidant à améliorer leurs propres postes de travail par le biais de suggestions ou du Kaizen.
Dans les nombreuses versions des premiers manuscrits (je remercie ici notre éditeur – Tom Ehrenfeld, qui n’a cessé de nous interpeller sur ce sujet), nous avons réalisé que :
- 5.les dirigeants qui “pigeaient le truc” avaient appris à apprendre : en favorisant le Kaizen et en écoutant les personnes, ils avaient également changé leur propre appréciation de ce qui était important et ce qui l’était moins, ouvrant parfois la voie à de véritables innovations.
Nous devions alors décrire plus précisément ce que nous entendions exactement par “développement des personnes” – et le développement des personnes sous-jacent à l’approche de Toyota. Grâce à l’aide précieuse du livre de Jeff Liker Le modèle Toyota, nous avons pu affiner le “développement en T” présenté dans le livre :
Enfin, en nous penchant sur le comportement réel des leaders lean sur le Gemba, nous avons défini un modèle de comportement managérial basé sur l’amélioration à la fois des résultats et du relationnel. Ce modèle est dorénavant présenté au début du livre sous la forme des sept pratiques de Lead with respect :
Un texte ennuyeux, c’est du Muda !
Nous sommes les premiers à admettre que ces idées et ces pratiques ont été au cœur de la pratique du lean depuis le tout début : bon nombre de ces principes se retrouvent dans les écrits de Taiichi Ohno. Ce que nous avons espéré faire, c’est privilégier une approche du lean sous l’angle de “l’humain d’abord”, et décrire aussi précisément que possible les principes et outils des aspects humains de la tradition lean.
Nous pensons que ces idées fondamentales sont présentes depuis longtemps dans la tradition du TPS, mais ont rarement été mises en avant en tant que telles ; et n’ont pas été publiées jusqu’ici sous une forme cohérente. “Lead with respect” présente ce que nous espérons être une théorie complète et cohérente des RH qui se démarque à la fois du Taylorisme traditionnel et de l’Ecole des Relations Humaines. Les principes et pratiques présentés ici sont spécifiques au lean, et le modèle de motivation sous-jacent est un mélange de recherche moderne en psychologie et d’expérience lean sur le lieu de travail – cette partie, c’est sûr, est nouvelle.
Au cours des nombreuses années passées à écrire des livres sur le lean, Freddy et moi-même avons à chaque fois essayé de présenter le lean sous un angle original. The gold mine est une introduction à la pensée lean et à l’utilisation des outils dans des cas concrets, avec un lien fort avec la situation des affaires. Le Manager lean est la présentation d’un système lean exhaustif comme une approche complète pour piloter son entreprise. Lead with respect décrit des comportements de leaders lean sur le lieu de travail, comportements qui peuvent être appris par la pratique pour tenir la promesse du lean d’aligner le succès de l’entreprise sur l’épanouissement individuel. Un but plutôt noble, que nous avons essayé de rendre le plus vivant possible à travers la vie des personnages (un texte ennuyeux, c’est du Muda !) pour en faire aussi une bonne lecture d’été !
Michael Ballé
Source : Lean Enterprise Institute
Téléchargez la version PDF.
Pour connaître et exercer vos droits, notamment de retrait de votre consentement à l'utilisation des données collectées par ce formulaire, veuillez consulter notre politique de confidentialité.