Cher Gemba Coach, Comment puis-je accélérer l’apprentissage de mon équipe?
Il y a une bonne et une mauvaise nouvelle. La bonne, c’est que vous pouvez accélérer l’apprentissage Lean de votre équipe. La mauvaise, c’est que l’apprentissage de votre équipe est le reflet du vôtre. Ce qui a le plus d’impact sur la courbe d’apprentissage de votre équipe, c’est votre propre comportement. La question devient donc : comment pouvez-vous accélérer votre propre apprentissage ? Je suppose que vous n’avez pas de Senseï, car sinon vous ne vous poseriez pas la question, et il y a là une vraie difficulté : apprendre par vous-même est extrêmement difficile.
Ce n’est pas que l’apprentissage soit difficile en lui-même. La plupart des personnes aiment apprendre, et si le Lean vous intéresse spontanément, il y a des chances que ce soit le cas pour vous. Mais en tant qu’adultes, nous aimons apprendre des choses utiles : nous avons besoin de percevoir la valeur pratique de ce que nous apprenons avant de faire l’effort (ce qui n’est pas évident, car nous devons effectuer un tri minutieux parmi l’infinité de sujets qui captent notre attention).
Nous ne donnons pas cette latitude à nos enfants. Même s’il est vrai qu’ils pourraient apprendre tout ce dont ils ont besoin sur Youtube, nous les envoyons tout de même à l’école pour apprendre les mathématiques ou la grammaire car nous croyons qu’ils ont besoin de quelques connaissances fondamentales qu’ils ne choisiraient pas spontanément, tout simplement parce qu’elles sont trop difficiles et ennuyeuses à apprendre (et c’est pourquoi les bons professeurs de maths ou de grammaire s’efforcent toujours de rendre leur discipline ludique et intéressante).
Quelle est la rapidité de votre propre apprentissage ? Spontanément, nous choisissons ce que nous voulons apprendre en fonction de l’intérêt pratique que nous y trouvons à court terme pour notre travail. Ce n’est pas exactement apprendre, mais seulement apporter de nouvelles idées à ce que nous savons déjà. Quiconque a travaillé avec un coach sportif ou artistique a fait l’expérience de devoir travailler sur des choses à la fois difficiles et apparemment sans intérêt, car leur utilité n’apparaît qu’après avoir acquis la compétence. Jamais avant. De la même manière, l’apprentissage dans le Lean est lent car si nous étions autorisés à choisir ce que nous apprenons, nous choisirions les aspects du Lean qui nous apportent un bénéfice immédiat sur nos problèmes du moment.
Comment faire paniquer un responsable logistique?
Faisons un rapide Gemba mental. Pouvez-vous vous retourner et jeter un œil aux livres Lean dans votre bibliothèque ? Nos best sellers sont Bien voir pour mieux gérer, Managing To Learn (seulement en anglais), et Déployez vos Stratégies Lean. Ce sont d’excellents livres sur le Lean. En effet, personne ne niera que l’objet du Lean est (1) d’accélérer le flux de valeur, (comme enseigné dans Bien voir pour mieux gérer), (2) développer la compétence des employés dans la résolution des problèmes qui en découlent, afin d’accélérer le flux de travail et d’idées (comme démontré dans Managing To Learn), et (3) donner des consignes claires afin d’aligner tous les efforts (comme démontré dans Déployez Vos Stratégies Lean) – sans aucun doute.
Mais ces livres sont aussi ceux qui décrivent le mieux les conditions réelles de nombreux domaines d’activités. Il est aisé de comprendre comment il paraît logique d’accélérer le flux d’un produit clé à travers une supply chain chaotique, ou bien d’apprendre à mieux manager ses employés en se concentrant sur l’apprentissage, ainsi que de rendre logiques des objectifs bien déclinés : les idées et techniques décrites dans ces trois livres fondamentaux sont assez représentatives de contextes répandus dans bien des entreprises.
Avez-vous également sur vos rayonnages Créer un flux tiré Lissé, Birth Of Lean et Kaizen Express ? Ce sont également d’excellents livres, qui se vendent toutefois moins bien car ils collent moins à la réalité de la manière dont sont pilotées la plupart des entreprises. Créer un flux tiré Lissé ne traite pas de la manière d’améliorer un processus, mais la compréhension de l’approche innovante de Toyota qui consiste à utiliser la logistique pour augmenter le mix de produits avec les mêmes ressources, et tirer le flux avec précision pour améliorer la productivité – révolutionnaire ! (Montrez ça à un responsable logistique et observez sa réaction)
Birth Of Lean, qui décrit l’intention originale sous-jacente au développement du TPS, est l’un des très rares livres qui expliquent la relation entre la qualité et l’amélioration du flux, et propose des interviews uniques des génies qui ont créé l’alchimie du Lean, Eiji Toyoda et Taiichi Ohno.
Kaizen Express est un livre fabuleux qui explique en profondeur la grammaire du Lean. Ce livre représente pour moi le test de vérité de ma compréhension du lean. Je m’y réfère souvent et me pose la question : ai-je obtenu ceci dans la pratique ? Ai-je à l’esprit des exemples où j’ai fait cela ? Récemment, je me demandais quand était la dernière fois où j’avais intégré un processus par lots dans un îlot en reconcevant une machine et en utilisant le Jidoka – bon, ce n’est pas si récent (ne pas oublier pourquoi on nommait le Lean « Lean » au début des années 90). Kaizen Express montre LA maison du TPS de référence qui décrit en termes techniques le système d’apprentissage.
Assimilation ou adaptation?
Certains livres Lean sont intuitifs, et vont vous permettre de résoudre immédiatement des problèmes au quotidien. D’autres ne le sont pas, et sont difficiles à lire, mais ils sont la clé de la compréhension profonde du Lean et de la transformation Lean. D’un point de vue technique, c’est la différence entre l’assimilation (apporter des informations nouvelles à votre compréhension actuelle – sans changer votre compréhension) et l’adaptation (utiliser des faits nouveaux pour changer votre propre compréhension). Si votre esprit était une base de données (ce qui n’est heureusement pas le cas), l’assimilation est comme ajouter une nouvelle information à un champ existant – facile – alors que l’adaptation consiste à créer un nouveau champ de données – dur !
L’adaptation est vraiment très difficile, car votre compréhension a tendance à être cohérente et connectée. Quand vous changez un champ de données, vous devez également changer toutes les connexions vers tous les autres champs, et vous constaterez rapidement que toutes vos catégories, étiquettes et images mentales ne s’accordent plus. Vous finirez par remettre en cause vos métaphores les plus profondes, ce qui signifie renoncer à vos ancrages mentaux. Et ça, c’est vraiment très, très difficile.
Par exemple, j’ai observé qu’il faut de nombreuses années de pratique de la pensée Lean pour abandonner la métaphore fondamentale de la mécanique des organisations (construisons un réseau de boîtes connectées entre-elles et casons les gens dedans) au profit de la métaphore du Lean (faisons pousser des arbres et observons comment ils s’entremêlent). Sans un coach pour nous stimuler, nous choisissons assez naturellement les « nouveaux » apprentissages faciles à assimiler, et nous tenons à distance des sujets bizarres et peu familiers qui nous forceraient à nous adapter. La nouveauté n’est en fait pas si nouvelle, ou pour être plus exact, nous l’amputons de ce qui est nouveau. Bien voir pour mieux gérer, Managing To Learn (seulement en anglais), et Déployez vos Stratégies Lean proposent des approches révolutionnaires, mais sans lire les autres livres plus ardus, vous risquez probablement de rater ces points ou de leur en préférer d’autres plus accessibles, conformément à l’interprétation communément admise.
Le pouvoir du Kaizen est infini
Pour répondre à votre question, la seule manière que je connaisse d’accélérer l’apprentissage de votre équipe est d’accélérer le vôtre. Cela signifie soit avoir accès à un Senseï (comptez combien de personnes vous séparent de Taiichi Ohno), ou bien faire le travail difficile par vous-même, ce qui signifie vous engager dans la voie de l’apprentissage des aspects étranges de la pensée Lean, en laissant de côté les évidences. C’est certes plus difficile, mais c’est également plus ludique et bien plus gratifiant. On ne s’ennuie jamais, et les perspectives d’amélioration de la performance s’élargissent à chaque nouvelle réflexion, alors qu’elles deviennent toujours plus étriquées si nous choisissons le chemin de l’évidence. Comme nous le rappelle Jon Miller dans une traduction d’une citation de Taiichi Ohno, chacun peut découvrir par lui-même que le pouvoir du Kaizen est infini s’il évite la complaisance et pratique quotidiennement.
Traduit de l’américain par François Lopez
Source du document: http://www.lean.org/balle/DisplayObject.cfm?o=3107
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