Le Système Lean (Lean Thinking) était publié il y a vingt ans ! Jim Womack et Dan Jones avaient été surpris par l’engouement pour leur ouvrage précédent, Le Système Qui Va Changer le Monde qui avait défini l’approche de Toyota comme « Lean. » À la fin des années quatre-vingt, alors que l’industrie américaine se trouve pour la première fois réellement sous pression par la concurrence asiatique, le livre avait instantanément créé des adeptes à l’échelle des US.
Jim et Dan ont donc écrit Le Système Lean pour clarifier les idées de base et donner un point de départ pratique aux enthousiastes du Lean alors que les premières bourdes commençaient à se répandre : réduire le niveau de stock par le MRP sans auparavant flexibiliser les outils, attaquer les processus par des chantiers « kaizen » en série sans savoir ce qu’on cherche, réduire les coûts par des chantiers sans s’intéresser à la valeur du produit, se servir des outils d’analyse du Lean pour mettre la pression sur les opérateurs, bref, tous les travers que les consultants se sont empressés de monétiser (et qu’ils déroulent d’ailleurs toujours vingt ans plus tard – après tout, les faits ne vont pas se mettre en travers d’un business qui marche).
Jim et Dan ont ainsi écrit un livre qui permet d’entrer dans la pièce du Lean, bien conscients que le vrai travail se produirait dans la phase « perfection. » De leur propre aveu, étant universitaires et non managers, ils avaient naïvement pensé qu’ayant montré le chemin aux gestionnaires, ceux-ci s’attacheraient eux-mêmes à explorer et développer leur pratique, mais bien évidemment l’histoire s’est déroulée autrement et les entreprises se sont lancées dans des programmes « Lean » à base d’outils, pilotés par la technostructure et sans réelle implication de la ligne ou, encore moins, des employés eux-mêmes. Ironiquement, ce sont ces mêmes démarches qui ont créé le mouvement Lean au niveau mondial.
J’ai demandé à Dan Jones de partager avec nous les principaux points de correction de la direction du mouvement Lean pour que les idées fondamentales et valeurs du « vrai » Lean puisse se diffuser plus largement dans les vingt prochaines années. Dan nous propose de réfléchir sur trois points clés :
Le Lean est une stratégie, pas une démarche d’excellence opérationnelle.
La leçon de Toyota n’est pas de maîtriser tous les processus opérationnels en espérant augmenter la qualité et réduire les coûts. La leçon est une stratégie de fidélisation des clients par une offre continue de produits, fondée sur le développement de la connaissance interne par une meilleure collaboration entre l’ingénierie, la production et la supply chain. Le kaizen réalisé par les équipes elles-mêmes est le principal mécanisme d’apprentissage si l’encadrement comprend bien quels savoirs sont recherchés et comment ces enseignements vont servir les clients.
Le Lean doit être centré sur l’expérience client, pas la réduction des coûts.
La recherche d’amélioration des processus n’est qu’un moyen de découverte de l’enrichissement de l’expérience client. Améliorer les flux n’est pas une fin en soi mais une technique pour apprendre à mieux livrer, plus vite des produits et services de meilleure qualité. La diminution des coûts est automatique alors que les raisons sources des coûts disparaissent. En revanche, réduire les coûts en réduisant la variété ou en détériorant le service client est complètement anti-Lean.
Le Lean est une approche d’engagement des collaborateurs, pas de productivité tayloriste.
Les solutions de demain ne seront pas trouvées par des experts froids et logiques, issus des meilleures écoles, mais par la participation des personnes qui font le travail elles-mêmes pour trouver des meilleures façons de faire qui donnent plus de résultat tout en facilitant le travail. Le Lean est une méthode structurée qui permet à l’encadrement, depuis les patrons jusqu’à l’encadrement de proximité, de rétablir le contact avec les employés et de collaborer avec eux à la recherche de solutions concrètes, locales, et innovantes – en évitant les lubies abstraites et si « logiques » dont les chefs de l’ancienne génération sont friands.
Pour Dan, le vrai Lean est une méthode pratique de réconciliation de l’entreprise avec ses clients, du management avec ses employés et des fonctions support avec l’ensemble de leurs partenaires et fournisseurs. Le Système Lean est le premier pas nécessaire pour entrer dans la pièce (et, de ce point de vue, toujours aussi pertinent) – tout le travail d’exploration reste à faire. Et comme il se dit dans le Lean, la pièce de l’amélioration reste la plus grande pièce de toutes.
Michael Ballé
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Damien BONHOMME
Merci pour ce rappel des principes du Lean,
J’ajouterais une citation de Taichi OHNO que Jim Womack et Dan Jones reprennent dans l’édition de 1996 (page 233) du ‘Lean Thinking’.
“Common sense is always wrong”
Taichi OHNO
https://twitter.com/damien3conseils/status/777552115677925378
Damien BONHOMME
KAUFFER
Un rappel des basics ne fait de mal de temps en temps.
C’est tellement vrai que cela semble incroyable.
Cela nous remet sur le “droit chemein” et nous évite de nous perdre dans les recoins de l’amélioration à tout va.